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LES INDÉPENDANTES : Beanfield Metroconnect veut humaniser les télécommunications

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FASCINÉ PAR LES TÉLÉPHONES dans son enfance, Dan Armstrong se souvient d’avoir pensé que Bell Canada était « le plus cool au monde » et s’émerveillait de voir comment le téléphone avait changé le monde en permettant aux gens de se parler n’importe où.

Ayant grandi à Toronto dans le quartier Younge et Eglington, la maison familiale des Armstrong donnait sur un parc où Dan et ses amis se construisaient des forts. Il avait réalisé que s’il connectait un téléphone et une batterie en série avec un autre au bout du fil, il pourrait connecter tous les forts et ils pourraient tous se parler.

Aujourd’hui, Armstrong connecte toujours les gens (avec de la fibre au lieu de fil de chez Radio Shack) à titre de chef de la direction (CEO) et directeur de la technologie (CTO) de l’entreprise indépendante urbaine Beanfield Metroconnect qui célèbre son 30e anniversaire cette année. Beanfield a grandi d’une petite entreprise de TI, à une entreprise dont elle est propriétaire et qui installe et opère le plus grand réseau de fibre optique de Toronto et offre l’internet, la téléphonie et la télévision. Un petit vidéo en anglais explique le tout.

Avec son siège social dans Liberty Village, à Toronto, le réseau de la compagnie déploie son réseau dans la grande région de Toronto, à Montréal avec une présence à Calgary, New York, et Seattle. L’entreprise emploie aujourd’hui plus de 160 employés et dessert 700 bâtiments commerciaux et résidentiels à Toronto.

« Quand je suis devenu un petit plus vieux et que j’ai commencé à transiger avec eux, j’ai réalisé qu’ils étaient absolument fous. » – Dan Armstrong

« Je me rappelle être en amour avec le système de Bell et comment fiable il était et comment il était organisé. Je croyais que c’était le système le plus cool au monde quand j’étais jeune, » a-t-il révélé à Cartt.ca dans une récente entrevue. Quand je suis devenu un petit plus vieux et que j’ai commencé à transiger avec eux, j’ai réalisé qu’ils étaient absolument fous. Avec Beanfield, notre objectif est de faire savoir au monde qu’il y a une meilleure façon de fonctionner. »

Armstrong et son cofondateur, Chris Amendola, président et directeur de la stratégie ont décidé que leur compagnie, entièrement canadienne allait toujours faire les choses autrement que la concurrence en mettant le client au centre de leurs décisions (ce que tous disent faire et que le gouvernement exige maintenant parce que l’industrie est totalement déficiente à cet égard.)

« Nous voulons humaniser les télécommunications, dit Amendola. “Les gens sont tellement habitués aux astuces, aux truquages et aux robots lorsqu’ils transigent avec leurs fournisseurs. Les gens ne sont pas habitués à ce qu’une compagnie ne soit pas là juste pour leur argent.

‘Nous n’offrons pas de rabais, nous n’augmentons pas nos prix,’ ajoute Armstrong. Nous croyons que vous devriez payer exactement la même chose que votre voisin et vous n’aurez pas un traitement spécial si vous vous plaignez mieux au téléphone que votre voisin. Et nous croyons que nous devons redonner à la communauté.”

« Parfois s’ils ne peuvent régler le problème au téléphone, ils se lèvent et vont sur place pour régler votre problème.» – Armstrong

Armstrong explique que leur proposition est de viser à offrir une expérience entière et sans faille. “Ce que je veux dire, c’est que la personne qui répond au client est au même pupitre que le personnel de soutien technique. Ainsi vous pouvez développer une relation avec eux. Donc, parfois s’ils ne peuvent régler le problème au téléphone, ils se lèvent et vont sur place pour régler votre problème.”

Lors d’une entrevue de fond avec Cartt.ca, Armstrong explique que Beanfield planifie étendre sa présence dans les marchés de Montréal et Ottawa et même jusqu’au niveau national. Présentement, son service résidentiel inclut l’internet par fibre optique jusqu’à la maison, la télévision et la téléphonie. Le service commercial comprend l’internet par fibre optique, la téléphonie d’affaires, le service de télévision, le service d’échange nuagique (cloud exchange), le service de ligne privée et le service de colocation.

Un de leurs succès au cours des 30 dernières années, dit Armstrong a été l’annonce, en 2014, que Beanfield avait remporté le contrat accordé par Waterfront Toronto pour construire et opérer le réseau de fibre optique ultrarapide et ultra haut débit “Communauté intelligente” qui fut un franc succès. Ce projet de revitalisation urbaine fut un des plus importants projets en Amérique du Nord.

“Après l’annonce, nous avons célébré pendant au moins deux jours,” se souvient Armstrong.

Beanfield a été un acteur important dans la transformation du Liberty Village, à Toronto, en un pôle médiatique et technologique. En 2013, Beanfield a été désigné Fournisseur officiel de services de communications pour Waterfront, lors des jeux panaméricains et para panaméricains. Beanfield a également pu vendre ses services à un grand nombre d’entreprises de cinéma et de télévisions.

Armstrong attribue le succès de Beanfield à la décision de ne pas joindre les autres entreprises de télécommunications indépendantes en empruntant les réseaux des grandes entreprises pour faire de la revente. En étant propriétaire de ses infrastructures, contrairement aux revendeurs, Beanfield a le contrôle total sur la qualité de son service.

Toutefois, il concède que tout ne s’est pas déroulé selon leur plan.

“Lorsqu’on a commencé à déployer notre propre fibre et connecter des édifices, nous avons suivi le modèle Metroconnect, en construisant un énorme point de présence (PoP) dans chaque édifice que nous desservions. Nous pensions que c’était la chose la plus brillante depuis l’invention du bouton à quatre trous parce que ce n’était pas ce que les autres entreprises faisaient,” explique Armstrong.

“Nous pensions que nous étions tellement révolutionnaires. Et soudain, nous nous sommes retrouvés avec 500 édifices dans notre réseau et nous ne pouvions plus nous rappeler où les PoPs se trouvaient. Ils se brisaient, les conduites éclataient, les batteries se vidaient et si nous devions visiter une PoP par jour cela nous aurait pris deux ans pour tous les visiter, donc notre modèle a implosé.”

« Nous avons centralisé dans ce que nous avons appelé une PoP de voisinage.» – Armstrong

Avec, comme résultat que nous avons décidé de recentraliser, pas au point d’avoir des centrales immenses comme Bell, mais nous avons centralisé dans ce que nous avons appelé un PoP de voisinage. En fait, nous avons rebâti notre entreprise, alors que le patient était dans son lit, » dit Armstrong.

« Les entreprises de services locaux d’édifices (BLEC) traditionnels, qui sont arrivées dans le marché ont fait la même chose que nous, mais ont été incapables de faire la transition vers un modèle de distribution plus moderne, et c’est pourquoi ils ont de la difficulté. »

Armstrong se rappelle également que la décision d’aller vers le marché des communications vocales ne s’est pas déroulée aussi simplement que nous l’avions anticipé, au départ.

« Quand nous sommes entrés dans le marché des communications vocales, nous pensions que ce serait simple et que nous n’avions qu’à acheter un commutateur logiciel et ce serait d’une grande simplicité. Nous n’avions pas anticipé que d’un point de vue technologique, c’était beaucoup plus complexe que les choses que nous faisions auparavant et que ce produit était déficitaire. Ce fut une bataille ardue, mais nous sommes maintenant au point où nous pouvons dire que nous avons réussi. »

Lorsque Beanfield s’est lancé dans le marché de la télévision, en 2015, la compagnie a également rencontré certains obstacles, ajoute-t-il. « Nous nous sommes lancés alors que les méthodes traditionnelles de câblodistribution arrivaient à la fin de leur vie active et je ne crois pas que notre produit était aussi bon qu’il aurait dû l’être. Nous avons dépensé beaucoup d’argent pour lancer un produit médiocre avec une technologie dépassée. Nous nous sommes cassé la gueule. »

Armstrong ajoute que Beanfield a maintenant appris à rentabiliser des produits comme la téléphonie vocale et la télévision en faisant la transition d’un modèle qui amènerait le produit édifice par édifice à un modèle qui dessert le quartier dans son ensemble.

« Cela nous permet de recruter plus de clients, » dit-il.

« J’aime penser me répandre dans Toronto comme une amibe géante, on veut tout prendre, » – Armstrong

Afin de faire croître son entreprise encore plus, ajoute Armstrong, Beanfield doit accroître sa portée pour mieux concurrencer avec les grandes entreprises. « J’aime penser me répandre dans Toronto comme une amibe géante, on veut tout prendre, » sourit Armstrong. Il concède, cependant, que comme opérateur indépendant dans une région, il ne peut desservir certaines compagnies qui ont une présence nationale ou internationale.

« C’est le temps pour nous d’accroître notre couverture de Toronto pour que nous puissions devenir l’intermédiaire de choix pour le marché de gros et accroître notre présence au pays pour devenir l’intermédiaire de choix pour les entreprises nationales et internationales, » dit Armstrong.

Dans une de ses premières expansions, Beanfield a forgé, l’automne dernier, un partenariat avec eStruxture qui est devenu la première présence majeure de données à Montréal. Jusqu’à son partenariat avec eStruxture, Beanfield ne croyait pas vraiment aux fournisseurs de co-locations comme eStruxture.

« Comme fournisseur de services de télécommunications basé sur les infrastructures, quand tu vas quelque part, ils veulent te charger pour chacun des brins de câblage, et cela ne fonctionnait pas du tout pour nous. Mais quand nous avons voulu pénétrer le marché de Montréal, nous avons soulevé nos objections avec eStruxture, et ils ont dit “Pas de problèmes, vous pouvez amener autant de câbles que vous voulez dans nos édifices.” Nous avons dit parfait, vous êtes maintenant notre maison. »

Pour approvisionner autant d’édifices urbains, il est aussi parfois difficile de travailler avec les développeurs immobiliers. « Nous avons vécu des relations conflictuelles avec plusieurs promoteurs immobiliers, on a de bonnes relations avec certains et nous voulons établir encore plus de partenariats dans ce secteur. »

Trop souvent, dit-il, Beanfield est pris entre deux feux entre le gouvernement fédéral et le l’autorité locale quand on négocie avec des promoteurs immobiliers. Les autorités locales insistent souvent que leurs servitudes ont préséance sur les règles fédérales établies par le CRTC.

« Les grandes entreprises de télécommunications sont tellement grosses qu’elles peuvent se permettre d’affronter les municipalités, mais nous ne le pouvons pas. » – Armstrong

« Le CRTC doit vraiment comprendre ces choses et les régler. Les grandes entreprises de télécommunications sont tellement grosses qu’elles peuvent se permettre d’affronter les municipalités, mais nous ne le pouvons pas. Donc, nous avons besoin d’aide de la part du gouvernement. Je veux dire, le CRTC a passé tellement de temps à aider les revendeurs, et nous n’avons strictement rien et nous faisons beaucoup plus au bénéfice de ce pays que les revendeurs, » dit Armstrong.

Du côté commercial, par exemple, il remarque que des entreprises de gestion des conduites internes sont apparues et qui sont l’intermédiaire entre Beanfield et le gestionnaire immobilier. « Elles ne sont absolument pas réglementées et je crois qu’elles devraient être bannies ou au moins réglementées. »

Il soulève qu’il y a des secteurs de Toronto qui vont « prendre un retard énorme à moins que l’on se concentre sur le côté infrastructures des développeurs immobiliers. En d’autres mots, il y a beaucoup de locateurs irresponsables qui gèrent des habitations vétustes. »

Pour ce qui est des nouvelles technologies, comme le 5G sans-fil, Armstrong craint que ça puisse rendre le marché encore moins compétitif. (Certains craignent qu’un 5G omniprésent, qui nécessitera des investissements massifs pourrait rendre les petits joueurs obsolètes.)

 « Honnêtement, je pense que cela remonopolisera l’industrie des communications. On retourne au système Bell. Les télécommunications sont magnétiques et ne veulent que retourner au vaisseau-mère d’AT&T. » – Armstrong

« Honnêtement, je pense que cela remonopolisera l’industrie des communications. On retourne au système Bell. Les télécommunications sont magnétiques et ne veulent que retourner au vaisseau-mère d’AT&T. »

Malgré des défis et des craintes quant à l’avenir, tout comme le gamin qui voulait utiliser la technologie pour connecter ses copains, Armstrong est particulièrement fier de la façon dont il s’implique dans la communauté. Ses efforts pour accroître la responsabilité sociale dans le grand Toronto, Beanfield supporte les écoles locales, les groupes caritatifs, les événements communautaires et continue d’investir pour tenter d’avoir un impact positif sur l’environnement et sur la ville en général.

« Nous vivons ici et nous voulons vraiment que la ville devienne meilleure, » dit Armstrong. « Un de mes projets favoris était dans le secteur de Liberty Village alors que nous avons dû creuser une tranchée dans le milieu du développement domiciliaire pour installer de la fibre. Je me suis dit, “pourquoi ne pas repaver, planter des arbres installer de beaux petits trottoirs.” La ville a dit’ ceci est la chose la plus étrange que nous ayons entendue. Mais nous l’avons fait et la communauté a adoré. »

« Je crois qu’il y a encore plein de petits projets de design urbains dans lesquels nous pourrons être associés pouvant améliorer notre ville. Plutôt que de creuser des trous dans le sol comme nos concurrents, je veux améliorer ces endroits. »

Traduction française par Denis Carmel.